[n°9] Bir Hakeim
Le 15 février 1942, la 1re Brigade française libre prend position à Bir Hakeim que les nomades traduisent par le puits du vieillard.
Le terrain est totalement plat et désertique à l’exception de ruines d’un petit fort italien.
La 1re Brigade française libre compte dans ses rangs le Bataillon du Pacifique mais aussi la 13e demi-brigade de Légion étrangère, le bataillon de marche n° 2 (BM 2), le bataillon d’infanterie de marine (BIM), le 1er régiment d’artillerie coloniale et un bataillon de fusiliers marins spécialisés dans la défense aérienne.
La 1re Brigade française libre a pour mission de relever une brigade indienne et de maintenir l’intégrité du champ de mines en V qui s’étend sur plusieurs centaines de km de la bande côtière jusqu’au carrefour de Bir Hakeim. La position de Bir Hakeim couvrant une superficie de 4 km sur 4 est divisée en quartiers. Le bataillon du Pacifique hérite de la position sud-ouest près du fortin italien.
Un champ de mines antichars de forte densité entoure la position : 65.000 mines en étoile et des marais de mines ont été posés. Quatre chicanes ou passages très étroits permettent de sortir de la position retranchée.
Les tahitiens du Bataillon du Pacifique s’enterrent. Les camions, le moteur vers l’avant, les armes sont aussi enterrés. La qualité des tranchés des Pacifiens est sans égal.
De février à mai 1942, les hommes de Bir Hakeim mènent des patrouilles offensives profondes appelées Jock Column. Kararo Tainui de Napuka est tué le 4 avril 1942 en Jock Column.
Le 27 mai 1942, au matin la division blindée italienne Ariete attaque Bir Hakeim. Les blindés italiens tentent sans aucun appui d’artillerie de traverser le marais de mines. En une demi-heure, trente-trois chars sont détruits par les mines et les pièces de 75.
Le 28 mai 1942, la position de Bir Hakeim est malencontreusement bombardée par l’aviation britannique qui tue deux Tahitiens en blesse un autre grièvement à la tête.
Le 29 mai 1942, les défenseurs de Bir Hakeim perçoivent le bruit de la bataille qui oppose au loin dans le secteur dit Knightsbridge ou Chaudron du diable les Allemands aux Anglais qui sont défaits.
Le 31 mai 1942, le bataillon du Pacifique reçoit l’ordre de couper la route à l’ennemi à Rotonda Signali, ancienne position italienne située à environ 100 kilomètres de Bir Hakeim. Dès leur occupation de Rotonda Signali, le bataillon est harcelé par l’aviation allemande.
Le 1er juin 1942, Rommel, chef de l’Afrika Cops attaque la position de Bir Hakeim pour réduire la menace sur son arrière de la 1re Brigade française libre.
A Rotonda Signali, l’étau se referme sur le Bataillon du Pacifique qui grâce à des transmissions en langue tahitienne flaire le piège et s’en échappe. Leurs colonnes parviennent à rentrer dans la position de Bir Hakeim en pleine offensive allemande.
Le camp de Bir Hakeim est alors inlassablement bombardé par l’aviation allemande.
Le 2 juin 1942, le général Koenig rejette toute reddition.
L’artillerie et l’aviation ennemie se déchaînent sur Bir Hakeim : quarante mille obus de gros calibre vont tomber du 2 juin au 10 juin 1942 sur la position française de Bir Hakeim.
Le 3 juin, le général Koenig rejette un nouvel ultimatum de reddition de Rommel.
Dès lors, la position de Bir Hakeim est attaquée avec une violence inouïe.
Les 5, 6, 7 et 8 et 9 juin 1942, c’est la position du Bataillon du Pacifique qui est spécialement visée à cause de sa chicane.
Les Pacifiens se défendent de toutes leurs armes. Rommel est impressionné par la résistance des Français : L’adversaire se terrait dans ses trous individuels et restait invisible. Il me fallait Bir Hakeim, le sort de mon armée en dépendait.
Les munitions s’épuisent comme les rations d’eau. On boit jusqu’à l’eau des radiateurs.
Le 9 juin 1942, Papa Broche, le Metua est tué.
Le 10 juin 1942, un pilonnage massif de l’artillerie allemande et une attaque aérienne par plus de 100 Stuka précède de nouveaux assauts. La défense française est percée. Les intrus sont repoussés par une contre-attaque de la 13e demi-brigade de Légion.
La position de Bir Hakeim a tenu. Elle peut être évacuée. Une sortie de vive force est prévue pour la nuit du 11 juin 1942. Elle s’effectuera par la chicane tenue par le Bataillon du Pacifique pour gagner à environ 7 kilomètres un point de rendez vous, azimut 213 signalé par trois lampes à feux rouges où attendent les Anglais avec une centaine de camions, une trentaine de véhicules sanitaires protégés par une colonne blindée.
Le 11 juin 1942, 00H00.
La 1re Brigade française libre s’échappe par les seuls 70 mètres de la chicane du Pacifique qui ont pu être déminés. Tapis dans leurs trous à 150 mètres de là, l’ennemi n’a encore rien décelé. Le champ de mines est passé. Soudain, l’enfer se déchaîne. De partout convergent les balles traceuses des mitrailleuses allemandes et italiennes.
De premiers véhicules brûlent. Koenig ordonne la charge motorisée. Les véhicules s’élancent dans la nuit précédés des Bren carriers, petites chenillettes armées.
Koenig : Cette nuit-là, chaque homme était à lui seul une aventure, une histoire, une tragédie.
Au matin, un brouillard assez dense enveloppe les retardataires pour leur permettre de rejoindre les éléments britanniques avancés. L’adjudant-chef Alfred Maruhi, aumônier protestant du bataillon, a prié toute la veille de la sortie de vive force. Pour certains superstitieux ses prières ont favorisé leur fuite.
Six cent hommes de la 1re brigade française libre sont portés disparus.
Certains ont été faits prisonniers. Leur épreuve n’est pas terminée pour autant. Certains des prisonniers tahitiens sont transférés en Grèce à bord du navire italien Nino Bixio qui est torpillé par le sous-marin anglais Turbulent et certains disparaissent en mer Méditerranée. Les survivants témoigneront de la tragédie lors de leur retour à Tahiti.
La résistance héroïque des soldats de la 1re Brigade française à Bir Hakeim est relayée par l’ensemble des radios et des journaux alliés. En France occupée, les avions anglais larguent des prospectus sur Bir Hakeim. Un journal de la résistance et un maquis prennent le nom de Bir Hakeim. L’opiniâtreté et la bravoure des soldats français de Bir Hakeim seront même saluées par l’ennemi.
Biographie : Thomas Bambridge
Thomas Richard Humbert Bambridge est né le 28 février 1914 à Papeete.
Thomas Bambridge n’est pas un guerrier né. Il a déjà bénéficié d’une dérogation d’incorporation pour poursuivre son métier de mécanicien-dentiste chez le dentiste Lepeniec. Il s’engage en janvier 1941 dans les rangs des Tamari’i Volontaires plus pour s’éloigner d’une passion tumultueuse avec la belle Reiri Chevallier actrice phare du film Tabu.
Thomas Bambridge est un mélomane que son frère Jean Roy Bambridge décrit comme suit : Thomas est un garçon très calme. Il n’a jamais beaucoup aimé les bagarres. C’est pourquoi tout le monde a été étonné de le voir s’engager. Son violon d’Ingres, c’est le piano. Il en joue beaucoup, c’est un grand pianiste. Il joue du blues et du jazz, peu de classiques.
Le Polynesian Club dans Georges Street à Sydney lors de leur station à Liverpool Camp sera notamment pour son piano son lieu de prédilection.
Lors de leur traversée sur le Queen Elizabeth, les Tamari’i Volontaires seront bercés de ses compositions.
A Bir Hakeim, le caporal Thomas Bambridge est l’adjoint du sergent chef Philippe Bernardino 1er groupe, section de Robert Hervé.
Thomas Bambridge est porté disparu lors de la sortie de vive force de Bir-Hakeim le 11 juin 1942.
John Martin : Thomas Bambridge a été blessé aux yeux la veille de la sortie de vive force. Il avait un pansement aux yeux. Il ne voyait pas. Il a été évacué dans une ambulance qui a sauté et s’est rapidement consumée. On n’a pas retrouvé son corps.
François Broche : Lorsque Thomas Bambridge fut blessé, avec un autre homme de son groupe, on les évacua sur le groupe sanitaire en Bren Carrier (…), le pasteur qui avait assisté son frère dit que Thomas avait été blessé au visage mais pas très grièvement. Il avait gardé toute sa connaissance, il disait qu’il avait mal et réclamait à boire. Son chef de groupe ayant été tué, Jeannot dut le remplacer et ne put aller voir Thomas au groupe sanitaire. Il y avait beaucoup d’ambulances. Il en faisait le tour, puis ouvrit la porte arrière en appelant son frère. Des gémissements lui répondaient et les plus valides l’envoyaient au diable. On avait également déposés des brancards dans les bennes des camions Belford qui étaient destinées à emporter les 75 encore intacts. Si son frère lui avait répondu, et s’il avait pu marcher, il l’aurait pris avec lui, ils ne se seraient pas quittés pendant la sortie. S’il avait été trop gravement touché, il serait resté sur le camion. Jeannot était très inquiet, car les allemands n’épargnaient guère les ambulances. Mais il ne put le trouver.
Jean-Roy Bambridge : Après la sortie de vive force, j’ai cherché Thomas dans les hôpitaux. En Italie, j’avais sur moi une photo de lui pour la montrer aux personnels de santé (…). En vain.