L’art du pitch
Le trac était lisible sur les visages de la dizaine de réalisateurs, scénaristes et producteurs venus défendre leur « bébé » ce jeudi après-midi au FIFO, lors de la session de pitch international. « Pitch » ? Petit éclairage : le pitch est la présentation orale d’un projet de film ou de scénario avec parfois band annonce à l’appui. Les porteurs de projets n’avaient que quelques minutes pour tenter de convaincre les diffuseurs de la région (Tahiti, Nouvelle-Zélande, Australie) et d’Europe venus les écouter Comme le speed-dating, le pitch n’engage à rien, mais le « plus si affinités » est potentiellement énorme…
Sous le chapiteau, tout le monde a pri place et tout autour la foule se presse, curieuse de découvrir et d’entendre les pitchs. Les pitcheurs, d’ailleurs, relisent mécaniquement leurs notes, la main tremblante et priant pour ne pas être le premier à passer… Ils ont 5 minutes pour séduire leur assemblée. 5 petites minutes pour raconter et compacter une histoire d’une heure, un projet de cent pages, un travail de parfois plusieurs années. La tension est à son comble et le verdict tombe : « Nickel en Kanaky », présentez-vous ! C’est parti, les auteurs racontent leur projet, montrent la bande-annonce ; les auditeurs sont attentifs, tantôt surpris, amusés, interrogés… Mais toujours intéressés. Et il en va du même scénario pour les 6 autres pitchs. Car malgré la variété des thématiques – du Père Laval aux gendarmes des Tuamotu en passant par les proverbes du monde, les répercussions de la 2nde Guerre Mondiale en Calédonie et la bombe nucléaire -, tous les projets ont un point commun : ils sont portés par des femmes et des hommes convaincus, passionnés, réunis par la même volonté de raconter une histoire inédite qu’ils ont envie de partager avec tous. Les échanges entre les porteurs de projets et les diffuseurs complètent la présentation, permettent d’aller un peu plus loin dans les intentions des uns et des autres. Ils ouvrent aussi vers des horizons nouveaux, pas toujours envisagés par les pitcheurs… A l’instar de « Proverbes du monde », série de petits films d’une minute qui montrent des personnes de différents pays énonçant un proverbe et le commentant : « Votre programme s’adapte véritablement bien au global média et offre des possibilités de déclinaisons vers les nouveaux formats web (smartphones, etc.) » Une porte d’entrée prometteuse et très recherchée… L’idée est lancée.
17h30, la séance touche à sa fin. Les pitcheurs recommencent à respirer, l’épreuve (le supplice !) est terminée. Ils peuvent désormais se détendre autour d’un cocktail préparé à leur intention et discuter de manière plus informelle avec les diffuseurs, qui ont été visiblement très réceptifs à leurs projets. La suite bientôt sur les télévisions du Pacifique !
ZOOM
On a pu se transformer en petite souris durant la semaine pour aller voir comment ça se passait : voici un détour du côté des ateliers de préparation avec le coach du pitch, Nicolas Zunino.
Pitcher ne s’improvise guère. Pour pallier à cette difficulté, les organisateurs du FIFO avaient mis un coach à la disposition des porteurs de projets. Ils étaient 7 à participer à cet atelier pratique, venant de Tahiti, de Nouvelle-Zélande, de Nouvelle-Calédonie, mais aussi de France. Tous les jours de la semaine, ils se sont entraînés sous la houlette de Nicolas Zunino à perfectionner leur présentation. Car défendre un projet est un art difficile. Le réaliser dans le domaine de l’audiovisuel nécessite, outre une bonne connaissance du secteur, la compréhension et la maîtrise de règles spécifiques. Le coach était là pour leur permettre d’acquérir les bons réflexes afin d’optimiser leurs pitchs, en leur rappelant les grandes règles de la vente, en leur donnant des outils théoriques et en les mettant en situation dans des modules de simulation filmés. « Faites comme si vous étiez à la terrasse d’un café avec un ami et racontez lui votre projet », leur conseille Nicolas Zunino lors du premier atelier de préparation. L’exercice n’est pas si simple, car à la place d’un ami, on a en face de soi le bouton rouge de la caméra qui nous pointe ! Ensuite, tout le monde se regarde à l’écran : pas facile de se voir, encore moins de se juger, mais tout le monde y va de son ressenti pour permettre aux candidats de se corriger, de faire mieux. « Je trouve que tu as abordé ce point trop rapidement, on n’a pas eu le temps de saisir l’importance du message… Je ne crois t’avoir entendu préciser la durée, c’est important de le mentionner ? » Le coach explique comment désamorcer l’ambiance, faire des pauses au bon moment, se mettre en scène soi et son histoire, la rendre unique et palpitante ! « En réalité, la manière de parler compte autant que le fond », précise Nicolas Zunino. « Il faut donner l’impression aux producteurs que votre film est une chance pour eux, que votre projet est tellement intéressant qu’il faudrait être totalement idiot pour ne pas avoir envie de faire partie de l’aventure avec vous ! » Message compris, car après plusieurs séances, « la qualité des présentations est vraiment tangible », avoue Nicolas Zunino qui, quelques heures avant le grand oral, avait le trac pour ses pitcheurs…
Le pitch au FIFO
Le pitch est une pratique courante des studios américains et petit à petit, il a débarqué dans le reste du monde, jusqu’à Tahiti ! Dans de nombreux festivals cinématographiques comme désormais au FIFO depuis 2 ans, la session de pitch tient lieu pour les producteurs d’un marché aux projets, d’une criée aux talents. C’est peu de choses, cinq minutes dans une vie. Et pourtant, elles peuvent être décisives !
L’an dernier, le FIFO avait attiré des représentants des chaînes et des commissions d’aide à l’audiovisuel du monde entier (ABC Australia, TVNZ, ITVS USA, France Télévisions). Cette édition a été enrichie de la présence de la ZDF, 2ème chaîne allemande, ARTE et d’autres. De quoi motiver les « pitcheurs », qui avaient des idées à revendre… et qui ont surtout eu la chance de bénéficier toute la semaine d’un entraînement avec un coach renommé : Nicolas Zunino, producteur de nombreux films et documentaires bien connus mais surtout riche d’une grande expérience des pitchs, des deux côtés du miroir. Ils étaient par ailleurs suivis à distance par Hans Robert Eisenhower, responsable de Thema chez ZDF/Arte. Un gage de grande qualité pour cette formation qui en est à sa seconde édition.